La fin de vie soulève des questions profondes, non seulement éthiques, religieuses, culturelles, mais aussi environnementales. Depuis quelques années, de nouvelles pratiques funéraires émergent. Elles visent à offrir des alternatives aux méthodes traditionnelles que sont l’inhumation et la crémation. Parmi celles-ci, la terramation suscite un intérêt grandissant.

De quoi parle-t-on exactement ? Quels avantages présente-t-elle ? Où en est la France sur ces pratiques ? Nous faisons le point dans cet article.

La terramation, une pratique funéraire inspirée du vivant

Qu’est-ce que la terramation ?

La terramation, aussi appelée compostage humain, s’inspire des cycles de la nature pour offrir une alternative écologique aux pratiques funéraires traditionnelles.

Ce processus consiste à envelopper le corps du défunt dans un linceul en fibres biosourcées, puis de l’enterrer en pleine terre sur un lit de végétaux broyés. La nature prend ensuite le relais !

Sous l’action combinée des micro-organismes présents dans le sol et dans le corps, ce dernier se décompose lentement pour se transformer en humus. Après quelques mois, le compost obtenu pourra servir à nourrir des plantes, des arbres ou à enrichir les sols.

En fin de compte, le corps humain devient, lui aussi, une ressource pour d’autres êtres vivants.

Similarités et différences

Dans la famille des pratiques de terramation, deux variantes se distinguent : l’humusation et la « Natural Organic Reduction » (NOR).

L’humusation consiste à poser le corps à la surface du sol, plutôt que de l’enterrer, et à le recouvrir d’une butte d’environ 3 m³, composée de végétaux broyés et de terre.

Cette méthode vise à optimiser la décomposition naturelle grâce à l’action des micro-organismes, particulièrement abondants et dynamiques dans les premiers centimètres du sol. La transformation complète du corps en humus nécessite approximativement 12 mois.

Aux États-Unis, la terramation adopte une approche quelque peu différente avec la NOR, un procédé technologique de compostage accéléré hors-sol.

Le corps est placé dans une structure métallique et entouré de matières organiques. Pendant 30 à 60 jours, les conditions strictement contrôlées (humidité, chaleur et aération) vont favoriser une décomposition rapide et totale, produisant un compost prêt à enrichir les sols.

La terramation « version américaine » est déjà légalisée dans plusieurs états, notamment dans le Colorado, en Californie et dans l’État de New York.

infographie décrivant les différents rites funéraires existants, légalisés ou non
« Panorama des rites funéraires », infographie réalisée par Solenn Bihan (Langue Dessine)
dans le cadre du projet F-Compost

Quels sont les intérêts de la terramation ?

Si de nombreuses organisations s’intéressent à cette pratique et militent pour son développement, c’est parce qu’elles y perçoivent plusieurs avantages. Voici les arguments les plus fréquemment avancés par ses défenseurs.

Une alternative écologique

Il faut savoir que les pratiques funéraires traditionnelles, comme l’inhumation et la crémation, ont un coût environnemental élevé : émissions de gaz à effet de serre, pollution chimique et artificialisation des sols.

Une étude sur l’impact des rites funéraires réalisée pour la Fondation Services Funéraires — Ville de Paris révèle que :

  • L’incinération génère autant de CO2 qu’un trajet de 1 124 km en voiture, en raison du gaz utilisé pour l’incinération (56 %), de la construction du crématorium (24 %) et de la fabrication de l’urne (12 %).
  • L’empreinte carbone de l’inhumation équivaut, quant à elle, à celle d’un trajet de 4 623 km ! Le lieu de sépulture représente à lui seul 88 % de cet impact.

En comparaison, la terramation ne nécessite ni cercueil, ni sépulture, ni infrastructure, ni énergie. En plus, en transformant le corps en humus fertile, elle enrichit les sols, favorise le développement de la biodiversité et contribue au stockage du carbone.

Bien que nous n’ayons pas connaissance d’une étude mesurant l’empreinte environnementale de cette pratique, nous pouvons imaginer qu’elle constitue une alternative plus durable.

Donner du sens à sa mort en réintégrant le cycle de la vie

Mon corps peut-il être utile aux sols, aux plantes, aux arbres et aux générations futures ?

Dans le contexte préoccupant des crises environnementales actuelles, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur leur impact sur la planète, y compris après leur décès.

En ce qui concerne la fin de vie, la terramation offre une réponse apaisante en réintégrant le corps humain dans le cycle du vivant. Elle peut ainsi permettre de faciliter le travail de deuil et d’atténuer le sentiment d’éco-anxiété en donnant un sens écologique et régénérateur à la mort.

Une solution économique et pratique

Si l’humusation se présente avant tout comme une alternative écologique, elle pourrait également s’avérer plus économique.

En effet, les frais liés aux matériaux seraient nettement réduits : pas de pierres tombales, de caveaux, de cercueils ou d’urnes. Le coût des funérailles pourrait ainsi se retrouver fortement allégé !

Toutefois, en l’absence de législation et d’offre commerciale existante, il reste difficile de confirmer l’argument financier.Enfin, la terramation pourrait contribuer à pallier le manque d’espace dans les cimetières, une problématique croissante dans de nombreuses régions.


Terramation : où en sommes-nous en France ?

Une réglementation encore hésitante

En France, la terramation n’est pas encore légalisée. Le Code général des collectivités territoriales impose des normes strictes pour la gestion des corps après la mort. Néanmoins, les discussions s’ouvrentUne proposition de loi pour expérimenter cette pratique dans des communes volontaires a été déposée en 2023, avec le soutien de l’association Humusation France.

Un projet de recherche en cours

Pour répondre aux enjeux environnementaux des pratiques funéraires, le projet F-Compost, lancé en avril 2024, se penche sur le potentiel du compostage funéraire.

Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), ce projet a pour ambition de constituer un socle scientifique robuste afin d’éclairer et d’accompagner les décisions législatives françaises à ce sujet.

Dirigé par Damien Charabidzé, professeur à l’Université de Lille au Centre d’Histoire Judiciaire, ce projet transdisciplinaire est mené en collaboration avec le CNRS, l’Université de Bordeaux, et l’association Humo Sapiens.

F-Compost mobilise des experts en anthropologie mortuaire, biologie expérimentale et archéologie. Il implique également des acteurs de la société civile, des collectivités locales, des professionnels du secteur funéraire et des représentants d’agences sanitaires.

Un vif intérêt de la part des français

Le concept de terramation semble trouver un écho de plus en plus favorable auprès de la population.
La proposition de loi, citée plus haut, a été appuyée par une pétition rassemblant pas moins de 20 000 signatures.
Aussi, une étude d’opinion réalisée pour Humo Sapiens et la Maif en 2024 révèle que :

31 %

des Français ont déjà entendu parler de la terramation.

41 %

se déclarent intéressés par ce mode de sépulture, bien qu’il ne soit pas encore autorisé.

77 %

considèrent que la terramation aurait un impact environnemental positif à trés positif.

EN CONCLUSION

La terramation redéfinit notre rapport à la mort en offrant une alternative écologique, éthique et potentiellement plus économique. Si elle n’est pas encore autorisée en France, les avancées législatives et les recherches en cours laissent entrevoir de belles perspectives.